De la bave d’éléphant. De tous les scénarios élaborés à l’idée de cette rencontre avec les pachydermes, celui de me retrouver les avant-bras couverts de bave était bien le dernier à m’avoir traversé l’esprit.
Je me trouve à Elephant Camp, en plein cœur du parc national Khao Sok, à Phuket, en Thaïlande. La jungle, la vraie. Celle dont on rêve, enfant, alors qu’on découvre les aventures de Mowgli. La vraie de vraie jungle avec une symphonie interprétée soir après soir à la perfection par les insectes, amphibiens et autres bestioles non-identifiées dont je me prendrai rapidement d’affection. Avec, aussi, des gibbons qui se permettent de temps à autres des envolées lyriques (le plus souvent à l’aube). On évoque toujours la beauté de la forêt troipicale humide – comment ne pas le faire quand on aperçoit les montagnes se détacher du panorama brumeux au petit matin? – mais la musique de la jungle vaut à elle seule le déplacement.
Alors que je tends les fruits coupés plus tôt en compagnie d’autres voyageurs à mon nouvel ami, je peux rapidement évaluer l’appréciation de ce dernier sur chacun des aliments. Aucun doute : la pastèque produit un effet monstre – je dirais même éléphantesque – sur ses glandes salivaires.
Peut-être me suis-je approchée trop près, remarquez. Comment résister? Après m’avoir râpé la main droite avec sa trompe plutôt rêche, «mon» éléphant et moi avons laissé tombé les convenances. À grand coup de bave.
Elephant Camp appartient aux mêmes propriétaires qu’Elephant Hills, campement de luxe où je séjourne. L’excursion m’a permis de constater deux autres choses : 1) je ne suis pas plus douée pour préparer un dîner avec une machette qu’avec un couteau; 2) un éléphant, ça ne fait pas que tromper énormément, ça mange en sacramant! Jusqu’à 250 kg par jour, pour être (un peu) plus précise.
Quoi de mieux pour oublier toute cette salive et mes piètres talents de «cuisinière» qu’un bon bain? Je ne parle pas de celui dont je rêve à cet instant précis, plutôt de la trempette que s’apprête à faire le mastodonte.
Pour un éléphant, se rafraîchir ne signifie pas se jeter à l’eau. Son idée d’une bonne baignade s’apparente plutôt au fantasme d’un enfant de trois ans : se couvrir de boue. Beaucoup de boue.
C’est là que mes pairs et moi intervenons. Une fois bien badigeonné de l’appétissante substance, le mammifère doit être rincé (et frotté au préalable avec des fibres de noix de coco). À la fin de l’exercice, mes comparses belges, français, allemands, américains et moi sommes presque aussi trempés que l’animal, mais le sourire estampés sur nos visages trahi le plaisir bonhenfant que chacun a démontré au cours de l’exercice.
Selon Neung, notre guide, tous les éléphants dont je viens de faire la connaissance ont été recueillis suite à leur «mise à pied» (à pattes?) des chantiers forestiers, désormais interdits par le gouvernement. Il faut dire qu’en 1960, la forêt pluviale composait 85% du territoire. Aujourd’hui? Un petit 15%. «Les éléphants utilisés dans ces chantiers se sont retrouvés dans des zoos, des spectacles ou dans la rue», précise ce jeune père qui n’a pas un quart de siècle.
L’argent amassé grâce aux activités touristiques sert à nourrir les bêtes convenablement. Originaires de tribus du nord du pays, leurs mahouts (gardiens) les ont suivi à Phuket. Les maisonnettes que ces derniers habitent avec leurs familles n’ont rien de luxueuses. Sorte de huttes sur pilotis, elles ont l’avantage de leur permettre de dormir tout près de leurs protégés. Non, les mahouts ne «punchent» pas à la fin de la journée.
Que faire à Elephant Hills à part devenir copain avec des pachydermes? L’exploration de la mangrove en kayak et en canoë, trekking dans la jungle, excursion sur l’éblouissant lac Cheow Larn, cours de cuisine, spectacles de danse thaïlandaise… Ajoutez à cela des tentes avec salle de bain, lit et eau chaude, des repas (délicieusement relevés) consommés avec des gens de tous styles, de tous âges et de tous horizons, l’accès à WiFi dans les aires communes et vous avez là un forfait sur mesure (de deux à quatre jours) pour les aventuriers les plus douillets.
Inoubliable. Avec ou sans bave.
Merci à Qatar Airways, à Elephant Hills à Tourism Authority of Thailand, grâce à qui la réalisation de ce reportage a été possible.
Ce reportage a d’abord été publié dans le journal Métro (Montréal) le 31 janvier 2012.
Sur le même sujet: Quatre jours dans la jungle.
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3 Commentaires
Effet monstre (au lieu de montre), ou bien c’est exprès? (montre, horloge…) Merci!
Merci! L’ai corrigé. 😉
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