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Vivre le monde

6 octobre 2014

Théâtre-musée Dalí

Certains voyagent pour voir le monde. Moi, c’est pour le ressentir. Chaque fois, j’ai l’impression de m’approcher un peu plus de cet «état de vie». Je m’ouvre le crâne et le coeur. Mon pouls change de rythme. Je mange trop, ou pas assez. Je n’arrive pas à dormir. Oui, je voyage comme on tombe amoureux. Et ça ne s’arrange pas avec les années.

***

Salvador Dalí a voulu évoquer la chair de poule en disposant 1500 pains de campagne en céramique sur la façade de son théâtre-musée, à Figueres, non loin de Cadaqués, où il a vécu pendant plusieurs années. De loin, ces pains s’apparentent à de petits personnages ou à des grains de pop-corn géants. La chair de poule? Peut-être pas la première chose qui vient à l’esprit en scrutant les murs. Et pourtant, tout est là, comme une évidence. Ressentir. Les frissons avant même de pénétrer dans un lieu destiné à en offrir une bonne dose. L’émotion avant l’émotion. «C’est pour ouvrir à la sensibilité du musée», a expliqué notre guide.

En franchissant le seuil du site que Dalí  a lui-même élaboré au cours des dernières années de sa vie, on entre dans la tête de l’artiste. Il ne cherche pas à nous convaincre de son génie: il l’expose tout simplement, à la puissance 1000. Profession: créateur de chair de poule. Il assume parfaitement son rôle, sa folie, sa démesure et son narcissisme. On le sent dans chacun de ses coups d’éclat. Je n’ai pas eu que des frissons pendant ma visite: mon sourire était encore plus large que les Pyrénées que je venais de traverser.

Théâtre-musée DalíThéâtre-musée Dalí

Un collègue disait que pour lui, Dalí était lié au début sa vingtaine. Idem. Aimer toujours Dali, ce peintre populaire vénéré par les étudiants, relevait pour moi du plaisir coupable. En déambulant dans les différentes salles du musée, j’ai toutefois réalisé que je le connaissais de manière bien superficielle. J’avais, à l’aube de la vie adulte, été séduite par ses extravagances sans en saisir la portée et en négligeant l’importance du contexte. Pendant ma visite, j’ai eu l’impression de faire véritablement connaissance avec l’artiste qui peignait les fenêtres ouvertes pour que les mouches viennent se coller à sa moustache pleine de miel. J’avais beau avoir déjà admiré ses oeuvres au Reina Sofia, à Madrid, et au Dali Museum de St. Petersburg, en Floride: jamais je n’ai ressenti autant l’âme de Dali.

Oui, j’étais dans sa tête. Plus déstabilisant encore: je m’y sentais comme chez moi. On porte tous en soi les mêmes questionnements. On a tous une graine de folie prête à germer. Pas besoin de psychanalyste pour voir cette porte qui donne vers notre monde intérieur. Il suffit de l’entrouvrir pour sentir l’air du temps circuler. Pourtant, on ne se souvient jamais où on a foutu la clé. Pas Dali. Lui, il ne semble jamais avoir ressenti le besoin de la reverrouiller. Nous sommes 1 250 000 par an à entrer dans sa tête, à Figueres, pour le constater.

Théâtre-musée DalíThéâtre-musée Dalí

Une surprise, ce mégasuccès? Pas du tout! Dalí savait en réinventant ce théâtre en ruines reçu en cadeau qu’il deviendrait le musée le plus visité d’Espagne. Pas pour rien que les témoins de ce spectacle qu’il a mis en scène de A à Z sont représentés par des mannequins rappelant les Oscars (aussi un clin d’oeil à ses années passées aux États-Unis). Pas pour rien, non plus, qu’il repose dans le sous-sol du musée, laissant ainsi vacante la place du cercueil qu’il devait partager avec Gala, sa muse. Il se savait éternel; il s’est assuré de le rester. Visible dans l’invisible.

***

On prend rarement le temps d’écouter le coeur des villes et des villages. Encore moins d’accorder le nôtre à leurs battements. On court pour dénicher les meilleures adresses, pour goûter ce plat recommandé par une copine ou pour tenter de s’approprier un petit bout de ce paysage vu tant de fois sur pellicule. On oublie de savourer l’instant. De regarder les poils se dresser sur nos bras en découvrant un tableau. De s’arrêter pour prendre la pleine mesure de ce que nous avons sous les yeux. On s’étourdit en s’en mettant plein la vue alors qu’on devrait plutôt s’en mettre plein la vie. Moi, je veux voyager dans un tableau de Dalí.

À lire également: La Bête, La pulsion du voyage, L’exil chez soi.

J’étais en Espagne grâce à une invitation de Vacances Transat. Merci!

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2 Commentaires

  • Répondre L'Europe en mode multi-destinations - Taxi-Brousse 15 juin 2015 - 9 h 04 min

    […] les deux, je me suis notamment arrêtée à Figueres pour visiter le Musée Dali, qui est à voir ABSOLUMENT si vous vous intéressez aux œuvres de l’artiste, mais aussi à sa […]

  • Répondre Ça va être ma fête - Taxi-Brousse 17 septembre 2016 - 19 h 36 min

    […] dessus pour voir encore plus loin. L’horizon est toujours aussi plein de promesses et j’ai la même envie de m’y perdre. Je ne cherche pas à trouver/prouver quoi que ce soit. C’est la quête qui me passionne depuis […]

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