États d'âmes Prendre le large Réflexions

La bête

24 août 2013

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Elle vit là, dans le creux du ventre, et donne le vertige. Comme quand on tombe amoureux. Qu’on ressent l’excitation. Puis l’absence.

Si je faisais dans la psycho-pop, je dirais que c’est la partie de moi manquante. Moi en voyage. Il n’y a que sur la route, suspendue entre rêve et réalité, que j’ai l’impression d’être entière. Complètement moi, avec tous mes morceaux. En état total d’abandon à celle que je suis tout au fond. Sans les artifices sociaux.

Certains ont besoin d’une maison, d’une voiture et d’un chien pour se sentir bien. Moi, j’ai besoin du mouvement. C’est un pied dans le vide que j’ai l’âme en paix. Quand je m’élance vers l’inconnu. Que je m’apprête à découvrir, à embrasser, à apprivoiser l’ailleurs. Je me place dans un état d’émerveillement. Tant pis si je suis déçue puisque j’explore! Que j’avance…

Je pars comme d’autres vont rejoindre un amant. Pour cette euphorie qui fait tourner la tête. Ce rush d’adrénaline qui aide à aller au-delà des complexités administratives, des retards d’avion ou du décalage horaire.

Je pars parce que la vie goûte si bon assaisonnée d’épices exotiques.

La peur? Aussi. Mais pas celle qui paralyse. Celle qui donne envie de voir ce qu’il y a au-delà. De sauter dans le vide parce qu’on sait que des ailes nous pousseront dans le dos au bon moment. Je pars aussi parce que j’ai la foi.

Je l’ai souvent écrit: pour moi, voyager est une pulsion. L’une des rares choses qui va de soi.

L’instant n’est jamais aussi présent que dans cet élan du voyage. Je regarde droit devant, la tête haute, les yeux grand ouverts, le coeur prêt à bondir. Je respire à pleins poumons.

J’hyper-vis.

Au retour, je tente de prolonger cet état d’émerveillement le plus longtemps possible. Mais c’est plus fort que moi: j’ai besoin de nourrir la bête régulièrement. De quitter le cadre de temps en temps pour me remettre en place sur la photo du présent. Pour aimer plus et, surtout, aimer mieux.

«Je reviens autant que je pars» a déjà dit Fred Pellerin à L’Invité TV5 monde. Pour une (rare) fois, je me reconnais dans ce qu’il raconte.

Sur des thèmes similaires: Mais jusqu’où?L’exil chez soiKhao San Road, 10 ans plus tard.

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11 Commentaires

  • Répondre François Cauchy 24 août 2013 - 8 h 22 min

    C’est beau…

  • Répondre Curieuse Voyageuse 24 août 2013 - 11 h 44 min

    Plus 1 sur toute la ligne chère Marie-Julie… tes mots sont très bien choisis, et ton texte d’une grande qualité 🙂

  • Répondre Pascale 24 août 2013 - 11 h 53 min

    Tu m’enlèves les mots de la bouche, je pense exactement la même chose, c’est fou, tu as su verbaliser tout à fait ce que je ressens moi aussi 🙂

  • Répondre jenniferdemoimessouliers 24 août 2013 - 13 h 33 min

    T’aurais écrit en mon nom que ça ne m’aurait pas étonné, j’ai l’impression de lire dans mes pensées. Beau texte!

  • Répondre Anne Marie Parent 26 août 2013 - 15 h 10 min

    On est donc plusieurs à trouver que Marie-Julie exprime si bien ce que les voyageurs ressentent… C’est magnifiquement dit! Merci…

  • Répondre rlbrasset 26 août 2013 - 15 h 41 min

    Ce texte est réellement touchant. Il exprime ce que beaucoup de globe-trotters vivent sans jamais oser le dire: De retour à la maison, on fonctionne parfois tout croche parce qu’on ne se sent complètement heureux qu’à l’étranger. C’est un effet secondaire de la piqure des voyages, un effet secondaire parfois très douloureux… Ah! si on pouvait toujours emporter ses proches avec soi! Moi, je ne reviendrais peut-être pas!

  • Répondre Ginette Généreux 31 août 2013 - 20 h 52 min

    Comme j’ai aimé ce texte, moi qui ai voyagé mais qui aurait voulu le faire tellement plus. Partir mais sans retour déjà planifié. J’ai 60 ans et mes rêves de voyages durent depuis 50 ans. Bravo à tous les globe-trotters, vivez vos rêves, c’est ça la vraie vie!

  • Répondre amandine@unsacsurledos 15 mars 2014 - 10 h 06 min

    Très beau billet, dans lequel je me reconnais à un point impressionnant !

    Ce sentiment “d’hyper-vivre”, d’euphorie … j’ai essayé aussi de l’analyser, de le coucher sur papier :
    http://www.unsacsurledos.com/le-voyage-un-aphrodisiaque/

    En voyage, ce sentiment de bien être, de complitude, d’être exactement où je souhaite être au moment où je le souhaite : ce sont des petits moments de pur bonheur, de perfection. Peu importe le moment vécu, ce que je suis en train de vivre, j’ai parfois sur les routes ce petit retour sur moi-même où je remarque que je sourie bêtement sans raisons : je suis heureuse d’être là où je suis ! Dans un bus dans la cordillère des Andes au Pérou, dans un petit bouiboui local au Cambodge, … même à l’aéroport (ça m’arrive aussi 😉 :p) : je me sens apaisée, entière, en paix avec moi-même et mon environnement. Juste bien !

  • Répondre rentreratelleauboutdunmois 14 avril 2014 - 21 h 29 min

    Très joli. Je ressens exactement la même chose. Je ne me sens bien qu’un pied dans le vide. Oui. Bel article !

  • Répondre Alize 24 janvier 2015 - 13 h 26 min

    Un billet très inspirant qui me parle. Ce sentiment de n’être bien que lorsqu’on est en mouvement, dans l’inconnu et l’incertain. Le simple fait de savoir que je peux changer d’itinéraire et sauter sur une opportunité au gré de mes envies me permet de mieux respirer. J’aime ma vie 🙂

  • Répondre Pourquoi NE PAS partir? - Taxi-Brousse 11 novembre 2015 - 8 h 17 min

    […]  Et si le voyage rendait plus heureux que les biens matériels?, La pulsion du voyage, La bête, Quand un voyage change une vie, Les voyages qui changent la vie, Quand le voyage trace la […]

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