Réflexions

Voyager en français

2 août 2012

Je ne calcule pas le nombre de rencontres liées à ma langue maternelle. Autant je tente de la fuir quand je voyage pour de courtes périodes (particulièrement l’accent québécois), autant il me rassure quand il surgit après plusieurs semaines d’immersion en terre étrangère. Il suffit parfois d’une intonation, d’un juron attrapé au vol ou d’un livre aperçu dans un autobus pour que le désir d’aller vers l’autre prenne le pas sur la timidité.

En Thaïlande comme à Taïwan ou au Mali, j’ai fait des bouts de route avec des Français, des Belges et des Québécois. À Shippagan, j’ai fraternisé tant avec des Acadiens que des Africains lors du Forum Francophone Jeunesse. Impossible d’oublier ce moment de grâce avec un Français et un Suisse où nous nous sommes spontanément mis à entonner les génériques des dessins animés de notre enfance. Nos références télévisuelles étaient les mêmes, malgré l’océan qui nous séparait.

Les couleurs de la langue

Étudier d’autres langues m’a par ailleurs permis d’apprécier d’avantage la mienne. D’en saisir certaines nuances jamais perçues auparavant. Les anglophones ne tombent pas dans les pommes. Ils ne se vouvoient pas. Et pour eux, point « d’aventures » amoureuses, mais plutôt des « affaires ».

Cela dit, ce n’est pas parce que j’aime passionnément ma langue maternelle que je ne m’intéresse pas à celles des autres. Voyager sans maîtriser l’anglais ? Plutôt difficile. De la même manière, j’ai pris un plaisir fou à m’initier au chinois pendant mon année et demie d’exil en Asie.

Le français m’a aussi joué bien des tours, remarquez. Plusieurs de mes chocs culturels n’ont pas eu lieu dans des contrées exotiques où je ne saisissais pas le discours de mes interlocuteurs, mais dans des régions francophones où, derrière les mots partagés, se cachait parfois un monde de différences.  Ce n’est pas parce qu’on comprend qu’on comprend. Enfin… vous comprenez.

J’ai vécu le même phénomène en voyageant à travers le Canada, qu’il m’a fallu aborder comme plusieurs contrées pour l’apprécier réellement plutôt que comme le pays émetteur de mon passeport. L’impression de proximité, quelle qu’elle soit, peut parfois être trompeuse.  Mais n’est-ce pas là tout le plaisir du voyage ? Se faire secouer au moment où l’on y attend le moins ? Découvrir que le connu ne l’est peut-être pas alors qu’au contraire, l’inconnu ne l’est pas vraiment ?

Pouvoir parler sa langue maternelle en voyage, c’est se sentir tout de de suite « à la maison ». Même un bref instant.

(Ce billet a d’abord été publié sur le blogue de TV5.ca le 4 juillet 2012.)

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