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Khao San Road, dix ans plus tard

30 novembre 2011

Presque 10 ans que je n’avais pas mis les pieds à Khao San Road, quartier des backpackers de Bangkok. Cette fois-ci, ma situation est bien différente: je loge dans un hôtel huppé un peu en retrait de l’agitation avec ma fille de cinq ans. Mais il m’était impossible de ne pas retourner sur cette rue mythique. Le jour de notre arrivée.

La dernière fois, j’avais 27 ans. En peine d’amour. La première, 26. En peine d’amour… Je ne compte pas le nombre d’escales que j’y ai faites à cette époque, entre deux destinations asiatiques (pas toujours en peine d’amour, quand même! lol).

Je ne sais pas si ce sont tous ces souvenirs remontés à la surface, la simple nostalgie ou cette impression que la vie passe beaucoup trop vite qui m’a chamboulée, mais il m’a seulement fallu reconnaître un tronçon de rue pour que les larmes se mettent à rouler sur mes joues.

J’ai parfois l’impression d’avoir laissé des pages de l’histoire de ma vie un peu partout en Asie (sur d’autres continents aussi, remarquez). Les revoir, jaunies par le temps, me plonge immanquablement dans un état introspectif. Plutôt incompatible avec l’hyperactivité d’une fillette de cinq ans qui répétait sans arrêt «ça pue»! Un étrange bout de journée.

Même s’il était de bon ton de détester Bangkok au moment où je l’ai découverte, en 2001, j’ai tout de suite aimé ce quartier bruyant et agité où des jeunes (et moins jeunes) trimballent leur bohème. Sac au dos, besace en bandouillère, ils déambulent par deux, par petits groupes ou en solo avec, toujours, cet air exténué (la vie d’un vrai de vrai backbacker DOIT être dure!).

Hier, alors que je tenais ma fille par les épaules pour éviter qu’elle se fasse heurter par a) un scooter; b) une voiture; c) un chariot de nourriture ou d) un backpacker chancelant, j’ai reconnu les visages, les expressions, les styles. Ils n’avaient pas bougé d’un iota. Identiques à ceux des voyageurs de la décennie précédente. Je me suis spontanément mise à jouer à ce petit jeu que je faisais, à l’époque: tenter de déterminer d’où ils étaient originaires (je me suis tellement plantée souvent!).

À peine descendue du taxi, j’ai repéré un stand pour faire faire de fausses cartes d’identité (étudiants, presse, alouette!). Quelques pas plus loin, il y avait cette vendeuse de mangues, et à côté d’elle, un stand de pad thai. Mon sourire s’est élargi devant le vendeur de pancakes. Dieu que j’en ai mangé, des pancakes bananes-chocolat!

Puis, au détour d’une rue, j’ai remarqué quelques affiches ici et là: «hôtel boutique». Plus loin, un McDo. Et un autre… Alors que je m’étonne de voir des stands de CD piratés (ah bon? Des gens achètent encore des CD?), je remarque une affiche qui me perturbe un peu:

Je saurai où aller si je me fais voler.

Autre élément qui me trouble: le regard de certains hommes sur ma fille. Moi qui ne voyais rien lors de mes premières virées à Bangkok, j’ai l’impression de déceler de la graine de pédo (sans mauvais jeux de mots) tous les dix pas. Non, je ne suis plus tout à fait la même.

Forcément, j’ai revu dans ces visages anonymes ceux de mes compagnons de routes. Ces gens avec qui j’ai partagé des bouts de vie souvent intenses et si marquants. Je n’ai jamais revu la plupart d’entre eux. J’en ai retracé quelques-uns sur Facebook. Je ne sais pas s’ils savent à quel point ils ont contribué à faire de moi la fille que je suis aujourd’hui. Côtoyer ces voyageurs de partout, avec leurs idéaux, leur bagage de vie et leur sens de l’humour  m’a permis de comprendre que c’était hors de mon petit bout de Terre, les racines au vent, que je me sentais le plus près de moi-même. Le plus libre.

Merci, compagnons de route, toutes époques confondues.

Je suis actuellement en Thaïlande pour réaliser une série de billets pour le blogue Un baluchon pour deux (Coup de pouce). Le billet pré-départ est iciMerci à Qatar Airways, au Metropolitan hotel et à Tourism Authority of Thailand, grâce à qui ce séjour est possible.

Pour me suivre sur Twitter: @Technomade.

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14 Commentaires

  • Répondre Véronique Couzinou 30 novembre 2011 - 6 h 03 min

    Très jolie tranche de vie, Marie-Julie, merci!

  • Répondre maayotte 30 novembre 2011 - 6 h 25 min

    La première fois que j’ai mis les pieds sur Kao San Road c’était en décembre 90… La dernière fois, quelque part en 1999. J’ai habité au Cambodge de 1992 à 2000, j’allais souvent à Bangkok. Comme ta fille, les premières fois que j’ai foulé le sol d’Asie, mois aussi je trouvais que ça sentait mauvais.

    La description que tu en fais m’est très familière. Des photos comme tu en a prises, j’en ai plusieurs. C’est fou comme en 20 ans, ça n’a pas vraiment changé. Les fausses cartes d’identité, ça m’a fait sourire. À l’époque, dans la fougue de ma vingtaine, je m’étais fait faire une fausse carte de presse pour aller au Cambodge. Je croyais que ça allait m’ouvrir des portes. Que de souvenirs. Les produits piratés ou volés ont quelque peu changé, mais l’essence de l’endoit semble intacte. Ce fut un réel plaisir de lire ton article.

  • Répondre modotcom 30 novembre 2011 - 7 h 19 min

    c’est beau. tu transmets très bien le feeling (moi qui ne suis jamais allée, j’ai encore beaucoup voyagé en te lisant). merci.

  • Répondre Eric Savage 30 novembre 2011 - 10 h 55 min

    J’y suis allé quelques fois et rien n’y change, le petit chariot à Pad Thai est le même, c’est la cuisinière qui a changé…

  • Répondre Marie l'urbaine 30 novembre 2011 - 11 h 14 min

    Qu’est-ce qui m’émeut le plus dans ce billet : revivre l’émotion que j’ai déjà ressentie en retournant dans un lieu marquant de mes premières rencontres avec le Sud (voir l’hyperlien dans mon nom) ? Imaginer l’émotion que je vivrais si je retournais dans un de ces pays en compagnie de mes enfants ?
    Merci MJ 🙂 xxx

  • Répondre uneportesurdeuxcontinents 30 novembre 2011 - 13 h 58 min

    Oui, la mémoire des lieux est incroyable…

  • Répondre Emmanuelle Dessureault 30 novembre 2011 - 14 h 45 min

    Merci Marie-Julie pour ce beau commentaire. Nos voyages en sac à dos nous marquent irrémédiablement pour plusieurs raisons, mais surtout parce qu’ils nous transforment à chaque fois. J’ai déjà ressenti tout ce que tu évoques dans ton commentaire et que tu décris si bien. Dans mon cas, ce sont les appels à la prière des minarets qui me rappellent les merveilleux voyages que j’ai fait au Moyen-Orient et que j’ai toujours envie de retrouver, comme des balises, à différentes périodes de ma vie (même si je sais que je devrai malheureusement attendre un bon bout de temps avant d’avoir le bonheur de faire découvrir la Syrie et ses voisins à mes enfants). Je te souhaite un superbe séjour en Thaïlande avec ta petite fille! 🙂

  • Répondre Sylvain robert 30 novembre 2011 - 15 h 58 min

    Un petit mot pour te dire que, moi, j’achete encore des CD!!!! Mais je suis tellement vieux, c’est normal!!! (d’ailleurs, tu ne connais personne qui voudrait acheté environ 300 cassettes?? hahahaahahah…)

  • Répondre yves bouchard 30 novembre 2011 - 16 h 17 min

    Merci Marie Julie!
    Tu nous fais vivre de ces expériences! au travers tes rencontres que tu ne trouves plus! des émotions qui remontent à la surface! la vie qui ne semble pas vouloir changée! et pourtant elle change cette vie . Tu vas y retourner dans 30 ans seul les personnes ou les nom auront changés mais nous nous aurons changé pour le meilleur et pour le pire 😉 mais il y a des pays qui changent moins rapidement que d’autres……..et se retrouver dans une rue ailleurs n’importe ou dans le monde nous fait ressortir pleins d’émotions…….Merci!

  • Répondre Mario Dubé 1 décembre 2011 - 17 h 23 min

    Belle réflexion Marie-Julie ! Comme tu le dis si bien, à mesure que l’on change et que l’on vieillit, on ne voit plus les choses de la même façon, on voit des choses que l’on ne voyait pas des années auparavant, etc. En ce moment, ton voyage en Thaïlande est bien différent des autres…car tu as ta fille avec toi. Quelle fierté et quel bonheur tu dois ressentir de pouvoir faire découvrir ce bout de terre que tu aimes tant à ta fille ! Bon voyage Marie-Julie !

  • Répondre mamanglobetrotteuse 2 décembre 2011 - 19 h 00 min

    Marie-Julie, tu viens de nous faire l’introduction idéale pour notre voyage en Indonésie. On compte les dodos ! J’amène ma famille vivre à la balinaise pour les six prochains mois. J’y étais il y a dix ans et suis excitée de pouvoir y retourner ! Tes images sont superbes. Bisous à Maya.

    Mamanglobetrotteuse.uniterre.com

  • Répondre Paula 3 décembre 2011 - 13 h 24 min

    “Côtoyer ces voyageurs de partout, avec leurs idéaux, leur bagage de vie et leur sens de l’humour m’a permis de comprendre que c’était hors de mon petit bout de Terre, les racines au vent, que je me sentais le plus près de moi-même. Le plus libre.”… Alors qu’après quelques mois de cavale, je me pose dans mon nid pour un moment, je lis tes mots et je n’ai qu’une envie… Repartir. Étrange de parfois se sentir plus en paix avec soi-même n’importe où ailleurs que chez-soi.

  • Répondre Corinne 5 décembre 2011 - 22 h 36 min

    Khao San Road continue d’être décriée par les défenseurs de la Thaïlande “authentique”. Pourtant, comme toi, j’ai toujours une bouffée de nostalgie quand j’y remets les pieds. Forcément. Mes premiers trips là-bas, c’était dans la décennie 1990… (soupir)

    Quelques images qui datent de 2005 (peu après le tsunami) au bout de ce lien —> http://www.southeastasia.fr/06_thailande_2005/02_thailande_Bangkok_janvier_2005/index.php
    Impressions de 2007 —> http://petitesbullesdailleurs.fr/2007/02/02/dans-la-frenesie-de-bangkok/
    Et de 2009 —> http://petitesbullesdailleurs.fr/2009/02/26/farangset-is-good/

    Je vois, par tes yeux et tes propres impressions, que l’ambiance reste la même… 😉

  • Répondre Taxi-brousse a six ans! - Taxi-Brousse 24 mars 2016 - 23 h 07 min

    […] Khao San Road, 10 ans plus tard, 30 novembre […]

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