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Mea culpa

25 septembre 2009

Plus tôt dans la soirée (j’écris ce billet passé 1h du mat’), une amie Facebook qui travaille pour un grand média a écrit dans son statut: «Nelly Arcan se serait suicidée…» Après m’être assurée que ce n’était pas une blague de mauvais goût, j’ai spontanément retransmis l’information sur Twitter en la citant, comme je le fais systématiquement quand je retransmets une nouvelle ou un lien. Erreur. Quand j’ai réalisé l’ampleur de la chose, le «tweet» avait déjà fait son bout de chemin. J’ai effacé le message, mais le mal était fait. Un peu avant 1h, Ruefrontenac.com a annoncé sa mort (aucun lien entre mon «tweet» et leur annonce, je le précise). Au moment de cliquer sur «send», je n’aurais jamais cru qu’il s’écoulerait autant de temps avant que les médias publient la nouvelle.

Entre temps, j’ai pris conscience des dangers de Twitter dans de pareils cas. Ce n’est pas la journaliste qui a réagi, mais bien la fille touchée par le décès tragique d’une femme à la carrière flamboyante. Même si j’avais eu la confirmation du décès de l’auteure par une autre source que mon amie Facebook, j’ai profondément regretté d’avoir relayé l’information. La nouvelle n’était pas encore sortie dans les médias. 1- Ce n’était absolument pas à moi à le faire. 2- J’ai réalisé les multiples interprétations que mon élan spontané a pu prendre. Toutes mes excuses si j’ai pu offenser qui que ce soit. J’étais sous le choc: j’ai partagé la nouvelle. Il ne faut pas chercher plus loin. Ma réaction était d’autant plus absurde que j’ai plutôt mal réagi la semaine dernière quand les journalistes se sont mis à me contacter suite à la mort de Renée

Maintenant que les médias «traditionnels» relaient l’information, est-ce plus «décent» d’en discuter sur les réseaux sociaux? La nouvelle devient-elle soudainement plus «réelle» parce qu’elle se trouve dans un média classique? J’ai effacé mon «tweet» original parce que je n’étais pas du tout à l’aise d’être la porteuse de mauvaise nouvelle et que la personne qui l’avait mentionnée sur Facebook à l’origine n’avait peut-être pas réfléchi elle non plus à la portée de son geste. Je n’en suis pas moins bouleversée que tous les autres qui partageront l’info avec le lien des articles parus en référence…

Pour le reste, ne vous en faites pas, j’ai eu ma leçon.

P.S.: Mes sincères sympathies à la famille et aux proches d’Isabelle Fortier alias Nelly Arcan.

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Aucun commentaire

  • Répondre ElaineElle 25 septembre 2009 - 3 h 39 min

    Je sais pas. Il me semble que tu tentes avec le recul une analyse éthique, voir rationnel de ton geste qui lui, avait été posé de façon spontané.

    Je tenterais un point de vue psychologique : le choc absorbé par ton cerveau à la lecture soudaine de cette information était si fort qu’il t’avait fallu t’en départir en le lançant dans l’agora qu’est Twitter. Un peu comme une patate trop chaude que tu recracherais instinctivement pour ne pas te brûler.

    Je ne suis pas journaliste, je n’ai donc pas cette dualité qui parfois, doit te faire hésiter avant de transmettre une information, qui plus est, avait été reçue grâce à des liens privés. J’imagine que la personne dont tu parles a un profil barré et seuls ses “amis” ont accès à ses statuts publiés. Mes tweets sont strictement à titre personnel, si je relais une info, je n’ai pas d’aura journalistique, ce qui n’est pas ton cas. Et comme je ne suis pas dans le circuit journalistique, je ne suis jamais confrontée à cette mince ligne entre le privé et le public, entre le personnel et le professionnel.

    Nous allons ressasser cette information dans les prochains jours, car nous avons besoin de nous assurer que nous ne rêvons pas, que cette information est vérité et que l’on ne peut la changer. Tous ces tweets et commentaires que nous verrons se déverser dans les médias sociaux et blogosphère, c’est pour la plupart à titre personnel qu’ils seront diffusés. On veille le défunt en en parlant tous ensemble, à défaut d’être ensemble.

    C’est pourquoi que dès que nous avons eu vent de cette rumeur, nous n’avons pas voulu arriver premier au fil d’arrivée de *qui l’a écrit*, mais plutôt former un instantané de ce village global numérique, en nous renvoyant l’information à coup de RT.

    Moi ce qui va m’horripiler, ce sera la récupération qu’en feront les médias traditionnels. Et que je te compare avec des écrivains (Woolf, Aquin, Gary), et que je te mets dans le même sac que d’autres cas récents (Dédé Fortin, Gaétan Girouard), et que je te ressasse les analyses des *experts*. Et pire que tout, les odes de toutes parts, mercantiles, autopromotionnels et récupérateurs.

    Cependant, une observation que d’autre se sont sûrement déjà faite. Était-ce vraiment éthique de la part d’une journaliste de diffuser à titre personnel une information obtenue directement à titre professionnel, avant même que le média dont elle relève n’ait publié officiellement l’information en question ?

    Tu me corrigeras si je me trompe.

  • Répondre Marie-Julie Gagnon 25 septembre 2009 - 7 h 00 min

    @ElaineElle: Je ne travaille pas pour un quotidien. Je m’intéresse à des créneaux bien particuliers, loin de ce genre de nouvelle. Il est clair qu’en diffusant l’info, ce n’est donc pas la journaliste qui parlait. Par contre, le fait que je sois journaliste a brouillé les cartes. C’est donc précisément à cause de cela que j’aurais dû me la fermer et attendre que l’info sorte ailleurs (remarque que j’ai vu passer l’info d’autres sources sur Facebook avant la publication dans les médias traditionnels aussi).
    Quant à la personne qui m’a appris la nouvelle, je sais qu’elle l’a fait sans malice, elle aussi parce qu’elle était secouée. Elle n’est probablement pas la seule à l’avoir fait, d’ailleurs, au moment où la nouvelle a commencé à circuler dans les salles de presse. Et au moment où j’ai publié le «tweet», tellement de gens étaient déjà au courant que j’étais certaine que les articles seraient publiés dans les minutes suivantes. Mon erreur.

  • Répondre Cecile Gladel 25 septembre 2009 - 7 h 21 min

    C’est toi qui me l’a appris et je l’ai aussi retwittée avant de l’effacer quelques secondes plus tard. Puis j’ai eu confirmation de source proche ensuite mais je n’en ai plus parlé, sauf quand la maison d’édition a confirmé.
    C’est normal et humain que de vouloir transmettre une information…

  • Répondre Etolane 25 septembre 2009 - 7 h 51 min

    Et bien me voilà tout aussi sous le choc de grand matin! Et Comme me dit l’homme entre deux coups de brosse à dents ce matin, elle devait être en grande souffrance! En effet… C’est un geste qui montre une bien grande souffrance personelle. J’ai toujours pensé que l’écriture était un métier pas mal plus dangereux que l’on pouvait le penser…

    Ta lucidité sur le sujet est agréable à constater même si le contexte est rude! Ton billet reflète une grande honnêteté du recul qui tu as manqué sous le coup de l’émotion. Tu es humaine et apprendre de ses erreurs est à la source de la vie n’est-ce pas? Amicalement tienne…

  • Répondre Marc Desjardins 25 septembre 2009 - 8 h 05 min

    Ne te blâme pas d’avoir été victime de la dangereuse instantanéité démocratisée de la communication. Malheureusement, ça risque d’arriver de plus en plus. La frontière entre la vie privée et la vie publique s’efface. Les gens tweetent leurs états d’âme aux cinq minutes et vivent des deuils en public, s’obligeant à réagir pour leur auditoire alors que ce qu’ils vivent est intensément privé.

    Tu as relayé une information qui était déjà publique même si elle n’était pas médiatisée. Les proches et la famille le savaient déjà, ce n’est pas si grave. Twitter est rempli, à chaque seconde, de rumeurs et de fausses nouvelles. Tu n’as pas cherché volontairement à publiciser ou jouer à la voyeure, tu n’as fait que partager… Je pense que personne ne peux t’en vouloir pour ça.

    Pour te réconforter, je vais te donner l’exemple d’une vraie indiscrétion. Il y a déjà 5 ans, mon ami et compagnon de route professionnelle, Claude Léveillée, faisait un ACV majeur, presque dans mes bras, sur scène. Je me suis retrouvé dans la salle d’urgence avec lui alors que pendant une bonne heure, l’équipe médicale était convaincue qu’il n’y survivrait pas. Au téléphone avec son assistante et biographe, Marie-Josée, nous avons décidé de ne pas tenter de rejoindre sa famille, son frère âgé et sa soeur malade. Vers 3 h du matin, le chef du département de neurochirurgie nous assurait elle et moi qu’il survivrait et nous avons pu lui parler un instant. Nous avons décidé que nous sortirions un communiqué le matin et que Marie-Josée téléphonerait alors à la famille. Je rentrais me coucher à 4 heures du matin, encore sous le choc.

    À 6 H 30, mon téléphone sonnait et une amie m’exprimait toutes ses sympathies… J’étais hors de moi. Le gestionnaire de la salle où nous venions de jouer et où Claude s’était écroulé était à Radio-Canada en train de se faire du capital politique en relatant l’événement comme un expert! Il avait lui-même contacté les médias. Ça, c’est une vraie indiscrétion et je sais que je ne la lui pardonnerai jamais.

    Alors bon, rassure-toi, tu n’as été que la victime de l’époque, de ton grand sens de l’empathie et de ta curiosité, deux qualités qui font de toi une grande communicatrice.

    Marc

  • Répondre numerikbook 25 septembre 2009 - 8 h 10 min

    Je trouve votre mea culpa rassurant sur le fait que nous avons tous conscience du pouvoir qui nous est donné de pouvoir nous exprimer en toute liberté grâce aux médias et aux réseaux sociaux. Mais cette liberté nous oblige à être encore plus responsable, encore plus vigilant sur l’information que nous relayons et quand nous devons la relayer

  • Répondre unouveaucompte 25 septembre 2009 - 9 h 12 min

    plutôt s’interroger sur la cause du suicide? non!
    (je ne connaissais pas cette dame)

  • Répondre LeRoy 25 septembre 2009 - 9 h 45 min

    J’ai pleuré en lisant votre article, et pourtant, Nelly Arcan ne m’a jamais touché… mais c’est surtout le fait qu’elle se soit (supposément) suicidée qui m’a touché le plus.

    Quant à votre position de personne/journaliste, il est vrai que la ligne est mince… et qu’on ne peut retweeter des infos sans les vérifier… mais l’émotion, parfois, est trop forte.

  • Répondre Annie Lise 25 septembre 2009 - 10 h 30 min

    J’admire votre courage éthique lové au sein de tant de douleur. Je ne veux maintenant que partager cette dernière, tant la nouvelle m’afflige également. Je ne connaissais pas la femme mais aimais l’écrivaine. Démunie devant son geste, en pensant au mal immense qui devait l’assaillir, je me suis précipitée sur ses chroniques dans Ici dont j’ignorais l’existence. Qui est cet harceleur dont elle parlait au début du mois (“Prends-moi, ou t’es mort” – http://24hmontreal.canoe.ca/ici-chroniques/nellyarcan/)? Je ne cherche pas le coupable au service de la police mais de l’âme. Je ne veux pas de nom mais la reconnaissance que ces “terroristes” triomphent et le constat déroutant qu’on les laisse vous dévorer vivant. Je ne peux qu’imaginer la blessure de cette femme-écrivaine, son amour-propre mutilé. Il faut agir devant l’agression; elle avait essayé. Dans un moment de désespoir, je me rappelle avoir compris: on ne le fait pas contre ou pour les autres, simplement parce qu’on n’en peut plus. J’ai mal pour elle.

  • Répondre theguywhisperer 25 septembre 2009 - 10 h 42 min

    Je comprends ton mea culpa. Je dois dire que moi aussi, j’ai retweeté la nouvelle, pas par sensationnalisme; simplement parce que, selon moi, l’information valait la peine d’être retransmise.

    Évidemment, je n’aurais jamais relancé l’info si elle n’était pas venue d’une source que je considère comme 100% fiable. Dans ce cas-ci, c’était toi. Avant de relancé l’info, toutefois, j’ai bel et bien vérifié sur Rue Frontenac la véracité de la confirmation.

    À savoir si j’aurais RT sans l’article de rue Frontenac; je ne crois toutefois pas. Effectivement, je pense que l’ère, mais surtout la nature humaine, fait que nous sommes portés à vouloir partager ce genre d’histoires dans ce genre de moment. Ce n’est pas par manque de respect; c’est parce que, justement, nous vivons des émotions par rapport à tout ça et nous ressentons le besoin de les divulguer.

    Maintenant, à savoir si c’était acceptable ou non que tu retransmettes l’info avant les grands médias, c’est une autre histoire. Dans ce cas-ci, peut-être que non, en effet. Mais dans d’autres circonstances, ça aurait pu être primordial, dans la mesure où je considère que l’on est choyés, dans notre société, d’avoir la chance de pouvoir partager de l’information aussi librement et sans être sous la menace d’aucune autorité et d’aucune censure.

    Mais attention, il y a une très grande responsabilité qui accompagne ce pouvoir et il appartient à nous de savoir gérer le tout. À tout droit, ses devoirs! 😉

  • Répondre Marie-Julie Gagnon 25 septembre 2009 - 12 h 01 min

    @Cecile Gladel : Humain, oui. Professionnel, non. Cela dit, je n’aurais pas publié le tweet si j’avais eu des doutes quant à la source.

    @Etolane: Merci.

    @Marc Desjardins: Merci beaucoup, Marc. Quelle histoire, ce qui est arrivé avec Claude Léveillée… Ouf!

    @numerikbook: Effectivement!

    @LeRoy : Attention, je m’étais assurée que l’information était véridique au moment d’appueyer sur “send”. Mais les confirmations par voies officielles n’étaient pas encore sorties.

    @Annie Lise: Je ne connaissais pas Nelly Arcan personnellement. Je ne l’ai croisée qu’une fois lors d’une émission de radio et nous avons à peine échangé quelques mots. La nouvelle m’a touchée pour des raisons similaires aux vôtres. S’il s’agit bet et bien d’un suicide – on parlait toujours au conditionnel aux dernières nouvelles – je trouve cela terriblement troublant. Le succès n’entraîne pas forcément le bonheur…

    @theguywhisperer: Comme je le disais, je m’étais assurée de la véracité de l’information avant de publier le “tweet”. Je n’aurais pas lancé pareille info en l’air! C’est la fille qui a été émue, mais la journaliste n’est jamais bien loin non plus. Rapidement, d’autres sources ont validé l’info (avant le communiqué de sa maison d’édition). Ce que je n’assumais pas, c’est d’être la porteuse de mauvaise nouvelle. Honnêtement, si j’avais su que le délai serait si long entre mon tweet et la publication dans les médias “classiques”, je me la serais fermée. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle j’ai tout effacé peu de temps après… Je ressentais un énorme malaise à jouer un rôle qui n’était absolument pas le mien.

  • Répondre Frank 25 septembre 2009 - 15 h 35 min

    “si j’avais su que le délai serait si long entre mon tweet et la publication dans les médias “classiques”, je me la serais fermée.”
    C’est ça la leçon que vous dites avoir eu ?

  • Répondre Marie-Julie Gagnon 25 septembre 2009 - 20 h 23 min

    @Frank : Si c’est ce que vous avez retenu, je vous ramène au début de mon texte…

  • Répondre Yucca 25 septembre 2009 - 21 h 55 min

    Une artiste intéressante, qui allait au fond des choses.
    C’est dommage qu’elle n’Est pu trouver le bonheur dans la vie.

  • Répondre Hispong Elbayne 26 septembre 2009 - 8 h 48 min

    Il n’y aurait pas un réflexe de journaliste de vouloir sortir le scoop derrière tout ça?

    D’être le premier.

    Et Twitter qui permet de sortir l’information en temps réel…

    C’est ensuite que les émotions font réfléchir sur le geste posé.

  • Répondre Marie-Julie Gagnon 26 septembre 2009 - 11 h 32 min

    @Hispong Elbayne: Si j’avais voulu pratiquer ce genre de journalisme, j’aurais choisi un tout autre parcours…

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