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Obama vu du Kenya

6 novembre 2008

300924_9641994-o_150x113Je vous copie-colle le courriel envoyé par une copine, Hélène Mercier, qui vit actuellement à Nairobi (elle travaille pour UNICEF et complète sa maîtrise en International Development and Management). C’est trop beau pour rester coincé dans une boîte aux lettres.

 

5h00 du matin mercredi, je rejoins mon ami Tole, journaliste radio, dans le centre-ville de Nairobi. J’ai suivi CNN depuis 23h00. C’est tranquille, en fait, c’est mort dans les rues. C’est dans les pubs que ça se passe.

On se rend au Simmers, un bar de blancs et de putes, qui diffusait CNN. On y trouve des dizaines de Kenyans se disant originaires de Kogelo, le village ancestral d’Obama; un véritable perpète- les- oies près du Lac Victoria. Ça danse, ça chante, ça dort, ça sent le fond de tonne et ça te crie à tout bout de champ : Record this! Et ils te sortent leurs théories peut-être pas si bêtes mais drôlement affectées par leur consommation de Senator.  Ben oui, il a même une bière à lui Obama. Après les chansons Obama, les t-shirt Obama, les décalques Obama, les macarons Obama et les casquettes Obama, ils nous ont sortis la semaine dernière : Obama, la comédie musicale. Sont forts en produits dérivés les Kenyans. 

Mon slogan préféré entendu au Simmers : Obama’s in da House!  Obama’s in da White House! 

En ayant assez de leurs haleines, on part à 5h45 rejoindre les vendeurs de journaux ambulants, qui se rencontrent au point de chute des journaux tout chauds. Ils jubilent, ils sont tous super excités de voir les front page disant que ça annonce plutôt bien pour leur frère. Ça sent la coupe comme dirait chose. 

Les magasins ouverts 24h, genre Wal-Mart kenyan, attiraient les curieux qui n’ont pas les moyens de se payer une TV. Ils se sont agglutinés devant les écrans, concentrés et silencieux.  On chill avec eux. 

Vers 6h45, j’ai bougé dans un resto populaire, rencontrer une autre bande. Tole, lui, est parti à l’ambassade. On s’assoit, on jase, on regarde CNN et puis BANG, ça y est, il leur annonce sans préavis que oui, ils ont le droit de rêver eux aussi. Des yeux plein d’eau, des sourires qui semblent avoir attendu des siècles ce moment, c’était beau. Quel grand moment, même si au fond, ça ne changera rien à leur vie. Mais le concret et l’abstrait ne se mesurent pas de la même façon. C’est dur de graticuler en chiffre l’effet qu’aura sur eux des envies de changer le monde, de se prendre en main plutôt que de la tendre. C’était grand, c’était beau, simplement. Je tente de rester cool et calme dans cette mer d’émotions.  Derek, mon coloc américain résolument démocrate m’appelle en pleurant. Et puis oh yiable la supposé objectivité journalistique : oh Yes mon ami, tu can! On s’est serré dans nos bras, eux se sentant probablement un peu plus égaux que la veille face à ma blancheur. 

C’était calme, c’était serein même en ville. Je m’attendais à plus de brouhaha, mais j’imagine que ce genre de choses, ça se vit par en-dedans. 

On a passé l’après-midi dans Kibera, mon bidonville de luxe, où ils ont installés des drapeaux américains partout et ont festoyés plus bruyamment toute la journée. On se disait Obama comme on se lance habituellement un bonjour! 

C’est sûr qu’il y a ceux qui s’en contre-crissent aussi. Qui se demandait ce qui se passait cette journée là. Mais ça ne fait pas une bonne histoire donc on n’en parle pas. Y’a aussi ceux qui pensent qu’Obama va leur trouver des jobs, des bourses et leur permettre de voyager aux USA sans visa. Ils sont nombreux et pour eux le mot espoir se conjugue avec force externe. 

J’ai été émue par les Kenyans mais aussi les Congolais, les Rwandais et les Éthiopiens que j’ai rencontrés. Ils s’appropriaient cette victoire avec une telle fierté. 

Je suis toute sale et morte de fatigue. Je m’en rends compte juste maintenant que je m’assois pour vous écrire ceci. Bah? ça va, le président Kibaki a décrété que demain était congé national pour tous. Je passerai mon Obama Day à dormir. 

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