Afrique Causes Fragments

Chocolat amer

1 avril 2008

Ex-enfant esclave des plantations de cacao ivoiriennes

Mais comment vais-je arriver à consommer les tablettes fabriquées par les grandes multinationales du cacao après avoir écouté le récit d’un gars de 20 ans qui a passé quatre ans et demi de sa vie à travailler comme un forcené dans une plantation ivoirienne, tous les jours, sans répit, sans toucher le moindre Franc CFA ?

Comment oublier qu’il travaillait de 5 h du matin à la tombée du jour, qu’il transportait des charges trop lourdes pour ses frêles épaules, qu’il devait tenir le coup toute une journée avec une seule banane grillée dans le ventre, qu’il était fouetté avec des branches de cacaoyer, qu’il était drogué (on diluait des comprimés non-identifiés dans son eau), qu’il dormait enfermé à clé dans une chambre avec 18 autres ados, faisant ses besoins dans une minuscule boîte vide de poison ? Comment oublier qu’il est arrivé là parce qu’il a fugué à l’âge de 13 ans dans l’espoir de décrocher un travail qui lui permettrait de se procurer un vélo comme ceux de ses copains (vélo que lui a promis le trafiquant qui l’a intercepté mais dont il n’a bien sûr jamais vu la couleur, même après 4 ans et demi…) ?

J’ai rencontré six jeunes comme lui ce matin. Six garçons âgés entre 18 et 22 ans à qui l’on montrait les tombeaux des enfants qui ont tenté de prendre la fuite pour les retenir dans les plantations. Six garçons qui ont développé un racisme sans borne envers les Ivoiriens et qui portent encore les traces physiques et psychologiques de mois d’esclavage. Vendus 125 000 Francs CFA (environ 313 $ CDN !) aux propriétaires des plantations par des trafiquants qui ont détecté leur détresse à la frontière du pays, ils font partie des rares qui ont eu la chance de revenir au pays. 15 000 petits Maliens seraient toujours esclaves là-bas…

mali-femmes.jpg

J’ai aussi rencontré des gens extraordinaires qui travaillent pour ces enfants, qui arrivent dans toutes sortes de conditions quand ils parviennent à se sortir des griffes des propriétaires (dont les deux femmes de cette photo, qui travaillent au Centre Horon So).

La grande question pour moi reste la suivante : qu’arrive-t-il à ceux qui survivent plus de 4-5 ans dans ces conditions misérables ? Il est évident qu’après plusieurs années de ce train de vie, ils ne sont plus très forts.  L’hypothèse émise par le directeur adjoint d’Aide à l’Enfance : on les vendrait en « pièces détachées » à des trafiquants d’organes, au Ghana…

Qui a envie d’une barre Mars après ça ?

(Extrait de mon journal de voyage Sénégal-Mali, 2003-2004)P.S. : J’ai recommencé à manger du chocolat depuis, mais la culpabilité est restée…

Vous pourriez également aimer

Aucun commentaire

Laisser un commentaire

%d blogueurs aiment cette page :